2ème partie – Début mars 2018

Cette fois ci, ambiance très différente le temps d’un week end. Je me laisse guider par Alexandre, qui a habité à Nanaimo et Victoria et est un amoureux inconditionnel de l’île. Nous partons le vendredi soir de Vancouver, alors que le soleil se couche dans un banc de nuages et de montagnes. Le ferry met à peu près 2h à atteindre Nanaimo, rebaptisée Surrey-sur-mer.

S’ensuivent 2h30 de route au clair de lune, dans les montagnes enneigées et les forêts millénaires sur une tune (dire toune) de Beach House.

Nous arrivons tard à Ucluelet, dans notre appart hôtel aménagé à la mode 90s kitch nord américaine. Nous sommes proche de Tofino, le paradis des surfers.

 

Photos d’Alex (therealaprime sur insta)

Décidés à profiter au maximum de nos deux jours, nous nous levons tôt pour aller voir le phare. Un chemin vagabonde entre les arbres et la côte, le soleil fait vibrer l’écume. Il y a un nombre conséquent de bancs pour rivaliser avec le nombre de panorama : le phare est certe un bloc de béton anguleux, mais il est assis sur une jolie falaise. Nous trouvons un chemin qui nous approche de l’eau et de ses habitants. On court après les canards et s’extasie devant notre premier crabe.

Avec la fin de l’hiver la saison touristique n’a pas encore repris, ou de façon très balbutiante. Plus d’une fois nous nous retrouvons seul dans la forêt ou la plage ; l’été c’est virtuellement impossible !

Après un petit dej dorés derrière la baie vitrée, nous partons en direction de Long Beach, plage légendaire. Un chemin traverse une langue de forêt, nous suivons un ponton de planches qui s’arrête brutalement devant la mer. Le court escalier a été retiré, étripé par les coups de béliers des troncs flottés.

Nous nous laissons glisser le long de la bande de sable pour nous élancer vers les vagues

 

 

La plage est splendide, et je m’y connais en plages ! Le sable sombre et lisse est étalé presque à l’horizontale, si bien qu’une pellicule d’eau s’étend à l’infini, humectée par des vagues qui s’étirent et se retirent lentement. Sensation exaltante de se tenir sur un miroir.

Pendant quelques heures nous marchons sur la plage, grimpons les rochers, faisons les funambules sur les troncs échoués et poussons des cris ébahis devant les flottes d’oiseau courant derrières les vagues.

Le temps semble suspendu.

 

La faim nous emporte à Tofino, nous allons voir le port ; quelques hydravions barbotent. J’ai découvert un peu tard que les Canadair qui fascinaient mon frère quand nous étions petits était simplement une marque d’avions canadiens passée dans le langage courant en France (ils ont de l’experience avec les feux de forêt il faut dire).

 

On se calle en terrasse pour manger des beignes (des gros beignets, quoi) et nourrir les moineaux.

 

Notre prochaine étape est une vieille Forêt humide en bord de mer. On espère que le chemin nous mènera à la plage, mais le dit chemin est fermé pour rénovations. Nous bravons les interdits et nous engageons sur les planches de bois rouge.

La lumiere de fin d’après midi est chaude et rase entre les branches dégoulinantes de vert. Toc toc toc font nos pas sur le bois. Il n’y a que nous pour nous enivrer de la forêt a cette heure-la.

Les arbres centenaires grincent du hauts de leur canopée. Leur ramure n’a pas de fin ; s’ils avaient la parole ils pourraient nous raconter des siècles d’histoire.

La boucle nous ramène au point de départ sans nous montrer la mer mais nous nous sentons comme mouillé par les embruns, la mousse en lieu d’écume.

 

Nous allons sur une autre plage pour le coucher le soleil. Couleurs enchanteresses.

 

Lever de soleil.

Le soleil est cette fois derrière les montagnes et des traînées de nuages, la mer est basse à nouveau.

Il fait un peu froid et immobile. Suspendus en silence. On glisse le long d’un rocher. Patauge dans un millimètre d’eau froide, évite les plus grosse flaques. Cherche les étoiles de mer, se réchauffe, d’anémone en crabe nous voilà de l’autre côté de la anse, hilares. Les geoducks font des geysers d’eau salé, “on s’fait pisser d’sus!” On s’en tient les côtes.

J’repense à David et ses histoires de gosse vivant dans les rochers et me dis qu’il n’y a pas d’âge pour être ébahi par la plage et ses locataires.

Sur la route du petit dej, on attrape deux stoppeurs on ne peut pas faire plus local. Ils ont des gueules de gamins mais sont cabossés comme des adultes. Ils sentent fort l’alcool ; heureusement l’un d’eux est bavard et rend la course amusante en racontant sa vie entre deux jobs : garde forestier sur la réserve et ouvrier dans une conserverie de poisson. La vie au motel payée cash. Que c’est chiant de bosser pour son père, alors il est bien en ville, avec son pote et une bouteille. Il raconte tout ca d’un sourire fendard aux chicots dansants.

“C’est des blanchis” me murmure Alexandre une fois arrivés. A cheval entre la famille et l’argent, les traditions “indiennes” ont perdu leur attrait.

 

Petit dej beigne, cette fois on prend une énorme boite de 12. Ca fera aussi pour le pique nique, le dîner et le ptit dej d’après. Les avocats et le houmous c’est overrated.

Beigne au bacon. Ils sont fous ces canadiens.

 

On reprend la route de l’aller (celle du clair de lune), de jour, et en sens inverse. Une neige mouillée commence à tomber. Les sommets sont blancs. On s’arrête au bord d’un étang gelé, je me sens obligée de faire le singe dans la neige.

 

Un peu plus bas, la ou la neige ne tient pas, Alexandre fait voler son drone au dessus d’un lac. Le temps s’améliore de nouveau.

La visite suivante est Cathedral Grove. La route passe au milieu de la forêt. A l’aller les phares ne rendaient pas justice à la sérénité millénaire des lieux. Cette fois ci nous prenons le temps de garer la voiture et suivre le chemin balisé.

Nous trouvons une bifurcation hors des sentiers battus, le chemin est clôturé mais nous pouvons contourner l’obstacle sans effort. Au bout de quelques mètres le bruit de la route et des badaud est étouffé. Des troncs se chevauchent dans le passage, tout est à l’abandon mais d’autant plus vivant. Un pont écroulé nous évoque l’Harmonie Verte de Monet ; j’ai souvenir d’une toile brillante d’humidité, et lourde de luxuriance. Comme de raison, les branches sont chargées de mousse et de lianes. Il faudrait revenir l’été.

Nouvel arrêt, cette fois dans les cascades. On en profite pour un pique nique beigne-houmous.

 

Enfin, nous revenons dans les environs de Nanaimo. Alexandre me montre le quartier dans lequel il a vécu un moment, une petite maison dans un quartier résidentiel de banlieu ; son récit mélange vie personnelle et politique locale, j’attrape les bouts d’histoires commes ils s’en viennent.

Nous allons ensuite voir la plage, la marée est basse à nouveau (décidément). Les mouettes forment des vagues rieuses, mais nous les recouvrons de nos propres rires, en jouant à éviter les nappes de la mer montante. Pas de geoducks malgré nos invocations.

 

On a essayé de prendre le ferry de 17h mais le week end ayant été radieux il est déjà plein. Résignés, on est allés faire voler le drone dans un petit parc en bord de mer, mignon si ce n’est son mobilier urbain de cimetière.

Affamés nous allons faire un tour dans le centre ville, qui se révèle être très mort en ce dimanche soir. Avec la nuit tombée il fait glacial d’humidité. Nous trouvons un pub pour nous servir une délicieuse poutine dégoulinante pour deux, le temps de se réchauffer. Le retour en ferry se fait sans heurt sur un fond de journal télévisé.

Je veux y retourner.